Lancé en 2007, le blog Embarquements cesse momentanément ses parutions.
MAURICE THINEY AU TADJIKISTAN
Chez Maurice Thiney brûle toujours le désir de lointain, d’ailleurs et d’absolu. La preuve avec le récit de cette traversée d’est en ouest du Pamir au Tadjikistan. Extraits de ses carnets de bord et rencontre avec un explorateur septuagénaire insatiable.
L’ORIGINE L’envie d’aller découvrir le Tadjikistan, et plus particulièrement le Pamir, me taraudait depuis longtemps. Je suis conscient du paradoxe.
Les gens de ces régions, où l’on a conservé le sens de l’essentiel, aspirent quelque peu au confort occidental alors que moi je veux fuir mon «Occident» malade de sa richesse. Est-ce une folie ? Je me convaincs que non.
Je suis simplement épris d’aventure. Je suis conscient que ce qui me terrifie, c’est la vie balisée, aseptisée. Donner corps à l’aventure, j’aime ces transitions grisantes où s’abolissent les distances.
LE BUZKASHI Organiser une traversée d’est en ouest du Pamir demande du temps et de la patience. Cela me laissera le loisir d’assister à un festival annuel du cheval organisé par la communauté Kirghiz dans les environs de Murgab : le buzkashi.
Avant le combat une tension indicible remplit l’espace. Au coup de sifflet, les chevaux s’élancent. En un instant, la carcasse disparaît aspirée par une masse informe et mouvante. Le sang gicle. Il n’y a pas de règle. C’est chacun pour soi. Un tel déchaînement de violence est hors imagination pour un occidental.
Après quelques minutes d’une bataille confuse un cavalier parvient à extirper la carcasse de l’imbroglio de corps, coince le mouton sous sa jambe, lance le cheval dans un galop furieux pour aller déposer le trophée dans le cercle de «Justice». Il vient de marquer le premier point.
LA DÉLIVRANCE Remonter en direction du nord jusqu’à Muzkol en empruntant la route dite du «Pamir» ne présente aucune difficulté. Par la suite, en s’engageant dans la direction plein ouest le cheminement devient pénible et difficile.
Nous partons à l’assaut du col en suivant les lacets tortueux de la piste. Le passage se resserre se transformant en gorge étroite, nous obligeant à prendre des risques. Il nous faut négocier un accès à la rivière, rouler dans son lit en évitant les rocs dissimulés par le flot et, lorsque le courant est trop important, improviser un retour à la piste.
AVEC LES NOMADES KIRGHIZ Rencontrer un campement de Kirghiz en fin de journée signifie que le gîte et le couvert sont assurés. Pour ces nomades, ne pas partager le plus modeste morceau de pain et ne pas offrir un tapis de feutre dans leurs yourtes aux voyageurs serait une grossière impolitesse. Ce peuple nous offre une leçon de vie. A l’abri dans une yourte nous passerons la nuit, allongés sur des nattes posées à même le sol.
> LIRE L'ENTRETIEN AVEC MAURICE THINEY : LA RAGE DE VIVRE
KHOROG Pour que l’avidité du découvreur soit rassasiée, je me rends sur le marché afghan. S’y agite une mer de turbans, blancs, bleu, sombres, roses, noirs, certains plats et larges, d’autres resserrés en forme de citrouille.
Beaucoup d’hommes portent des barbes épaisses, longues ou courtes, taillées ou sauvages, dissimulant presque complètement les visages, grimpant haut sur les pommettes épargnant à peine les yeux. Elles sont tissées de fils d’argent à l’approche de la vieillesse.
CONCLUSION Le privilège qui m’a permis de venir à la rencontre de cette population pamirie reste le privilège de celui qui a réalisé son rêve.
Je ressens une sorte d’accomplissement inexpliqué. J’ai trouvé quelque chose dans les montagnes du Pamir, une chose où il est difficile de mettre des mots dessus. Une chose que les pamiris possèdent depuis toujours.
Récit et photographies © Maurice Thiney
(Sauf photographie une © Agence Zeppelin)